Le désert du Wadi Rum

Retour sur l'une de nos plus belles expériences de voyage

Une autre journée touche à sa fin dans le Wadi Rum, sonnant le début d’une nouvelle activité au passage. Comme si les tons rouges, ocre et jaunâtres du désert ne suffisaient pas, le coucher de soleil vient en remettre une couche. Impatients, on se rue courageusement sur une roche stratégique et facile d’accès. Les plus fatigués se rabattent sur les imposantes dunes – moins faciles à gravir qu’il n’y parait – et s’y affalent avec soulagement. Soyez indulgents, notre programme du jour était riche en émotions ? En quelques minutes, tout le monde est en pole position pour le show. Le crépuscule n’est pas encore là et pourtant, on est déjà bouche-bée, tous silencieux et scotchés devant cette immensité sèche aux couleurs chaudes. On observe avec admiration la hauteur et les formes incroyables de la roche friable, minutieusement sculptée par les éléments au fil du temps.

En bas, les chameaux avancent lentement dans un environnement qu’ils semblent connaître par cœur. Quant à nous, on reste tranquilles, vautrés sur notre perchoir en attendant qu’un voile d’or merveilleux viennent recouvrir le désert. L’air se rafraîchit et nous soulage enfin de la chaleur de l’après-midi. Sans crier gare, le soleil au loin vient se lier à l’horizon et impose une ambiance romantique à tous les spectateurs. Que dire d’autre si ce n’est que la vue est inoubliable ? Hors du temps ?

Tout est devenu orange, jaune et doré. On restera là-haut un long moment sans jamais regarder la montre, en ne pensant à rien si ce n’est au fameux film « Indiana Jones et la dernière croisade ».

Voilà quelque temps que nous sommes dans le désert, mais la sensation de débarquer sur une autre planète nous colle toujours à la peau. Tant mieux, cet environnement est si fascinant qu’il serait dommage de s’y habituer. Après une virée mouvementée en 4x4 entre les dunes rougeâtres, notre guide bédouin se décide à couper le moteur. Instantanément, le silence nous enveloppe de nouveau.

Pendant que nous savourons la tiédeur de l’air et l’immensité dépaysante, notre guide-chauffeur nous déroule le tapis rouge (pour de vrai). Il extirpe avec force deux superbes tapis traditionnels, aux couleurs noires, crèmes, rouges et violettes. Puis, ni une ni deux, il s’empresse d’allumer un feu pour démarrer sa potée ?. Je vous mets au défi de trouver des brindilles inflammables dans un désert de sable ! Sur ce coup-là, il a été plus rapide que nous.
Après les premières étincelles, la chaleur du feu de bois et la convivialité de notre hôte suffisent à transformer notre bout de Wadi Rum inhospitalier en terre d’accueil.

Côté cuisine, pas question de mettre la main à la pâte. Ali, notre guide bédouin, tient à nous faire plaisir et à tout préparer lui-même. Nous l’observons concocter un délicieux déjeuner, généreux en quantité et équilibré. Au menu aujourd’hui, c’est poulet aux épices, riz parfumé et légumes en cocotte ?. L’odeur qui s’échappe des préparations est divine, quant aux saveurs, on en rêve encore… La fumée des plats chauds s’envole au-dessus de notre campement, balayé par un vent qui nous improvise une musique d’ambiance. Ces quelques bourrasques aident le sable à se hisser jusqu’à nous pour jouer les pique-assiettes, désagrément anecdotique, qui ne fait que renforcer la rareté de ce moment. Nous voilà nourris comme des rois dans le désert, nous rions, nous discutons tous ensembles autour d’un plat de galettes exquises que nous partageons avec gourmandise. Alors qu’Ali nous prépare un thé bien chaud à la sauge – au cas où il nous resterait encore un peu de place, vous voyez – la détente est à son paroxysme, le dépaysement, total.

Le désert Jordanien du Wadi Rum est la première grande étape de notre voyage. Nous foulons à peine les premiers grains sable rouges que déjà, nous avons la sensation d’atterrir sur une autre planète. Il est essentiel de prendre un guide agréé pour explorer cette gigantesque terre aride. Notamment, car l’accès à différentes zones du Wadi Rum est contrôlé et nécessite des autorisations préalables. De plus, l’endroit bénéficie d’un patrimoine historique exceptionnel, dont seul un guide local et expert vous dévoilera tous les secrets.
À mesure que notre périple commence, l’excitation grandie ! Le Wadi Rum est une terre de randonnées, où l’on serpente entre les formations rocheuses gargantuesques qui jaillissent du sol ?. Aucun mot ni aucune photo ne semble rendre justice à leur grandeur. En nous approchant de ces géants de pierre, plusieurs surprises apparaissent. Tout d’abord, la roche est friable, à certains endroits, on pourrait presque la gratter avec les doigts. On y découvre même des gravures rupestres Thamoudéennes et Nabatéennes, dont plusieurs remontent avant le IVe siècle av. J.-C. D’autre part, le vent, l’eau et le sable ont profité de cette fragilité pour sculpter toutes sortes de formes et de cavités dans la roche. Vous verrez, la forme spectaculaire de certaines cavités frise l’impensable !
De toute part, vous aurez du sable rouge et jaune à perte de vue.

On reconnaît alors les décors de célèbres films de science-fiction comme « Seul sur Mars », « Star Wars », « Transformers » et tant d’autres. Dans cette immensité, nous étions enveloppés de fraîcheur le matin et d’une chaleur réconfortante l’après-midi. À chaque instant, nous nous sommes sentis en totale sécurité. Le seul traître ici fût le soleil mordant, subtilement voilé, de ce fait nous n’avons pas vu venir nos coups de soleil ! Look de touristes oblige, nous avons ramené nos mines de toasts grillés en France, et ça en valait la peine.
Dans ce lieu unique au monde, on a particulièrement apprécié le silence. Si profond et reposant, il n’était entrecoupé que par les moteurs des 4x4 bédouins et les râles de dromadaires ?. D’ailleurs, parlons-en de ces grands patauds ! Ils sont très impressionnants, surtout de près. Les bouilles de dromadaires sont si drôles et photogéniques, qu’on les gratifie généreusement de galettes de pain sec – dont ils raffolent – puis on les regarde aller et venir dans une lenteur absolue. Leur nonchalance rythmera notre passage dans le Wadi Rum et la vie quotidienne des Bédouins, cette tribu nomade si accueillante qui peuple le désert depuis des centaines d’années. Ils seront nos guides de choix pour cette partie du voyage, accompagnés de leurs précieuses chèvres, chamelles et dromadaires, dont ils ne s’éloignent jamais longtemps.

Tout est si vaste ici, sauvage et en même temps si paisible. Nous sommes certains que la beauté inoubliable du Wadi Rum, ses trésors culturels et historiques nous marqueront longtemps.